OPEN END 2
Artistes
ACCADEMIA DI CARRARA
& MAURIZIO CATTELAN
JOHN M. ARMLEDER
CLAUDIO COLUCCI
PHILIPPE CRAMER
VINCENT DU BOIS
& FRÉDÉRIC & FRÉDÉRIC BEIGBEDER
OLAFUR ELIASSON
FOOFWA D’IMOBILITÉ
MICHEL GILLABERT
EDUARDO KAC
VANNA KARAMAOUNAS
THE MONTESINOS FOUNDATION & 12 GUESTS
MMAURO AURO LOSA
CHRIS MURNER
SANDRINE PELLETIER
XAVIER SPRUNGLI
FILIPPO TINCOLINI
ERIC VAN HOVE
Cimetière des Rois
Genève
ACCADEMIA DI CARRARA [Italie]
Francesco CARAPELLI, Eleonora DRAGONI, Daniele ESCHINI,
Rebecca FOGU, Valentina GIUNTOLI, Francesco MARCHIORO,
Anna MULTONE, Marco PANI, Sofia STELLA, Donald SUFKA,
Sofia VERMIGLI & Zhang YUYING
STÈLES CATTELAN – ETERNITY – 2022
12 tombes dédiées à Maurizio Cattelan, réalisées par les élèves de l’Accademia di Carrara sont posées au Cimetière des Rois
L’œuvre est issue originairement d’un cours donné par maurizio Cattelan aux élèves de l’Accademia di Carrara en Italie. durant le cours, l’artiste italien a demandé aux élèves de produire une tombe d’un personnage fameux et encore vivant. dans un esprit d’émulation du style provocateur du célèbre artiste, plusieurs élèves ont décidé de produire une tombe de maurizio Cattelan lui-même.
Ce geste émulateur des jeunes étudiants inspira le eterniry 2, confié à dART et conduisit à imaginer un cimetière complètement dédié à l’artiste italien. Ce deuxième volet met en avant l’aptitude des élèves à s’approprier la capacité de Cattelan de jouer avec les codes de l’institution et de les détourner. Dans le cadre de Open end 2, l’installation évoque, par le biais de l’hyperbole propre à la multiplication, des scénarios de science-fiction apparemment bizarres mais qui pourraient, un jour, devenir réalité. Comment devons-nous interpréter la présence de ces tombes dédiées à la même personne ? Est-ce un groupe de clones de la même personne enterrés tous ensemble à la fin de leur existence ? Est-ce la même personne ayant à plusieurs reprises transféré sa personnalité dans des copies d’elle-même dans un processus qui a duré plusieurs siècles ? quelles histoires se cachent derrière ces différents corps qui portent tous le même nom ? Et à qui devons-nous, au final, rendre hommage.
JOHN M. ARMLRDER [Suisse]
DEMI-SOUPIR – 2022
Une sculpture en fer battu doré représentant le symbole musical d’un demi-soupir est accrochée au portail à l’entrée du cimetière des Rois.
Le concept de pause en musique correspond au silence, l’absence de son sans laquelle la musique ne serait pas intelligible. L’œuvre est placée à l’entrée du cimetière sur les barreaux du portail à la façon d’une portée musicale verticale. Telle une partition pointant vers le ciel, le demi-soupir nous invite à assumer une autre posture perceptuelle en marquant par un simple signe le passage à un espace de recueillement. parallèlement, l’oeuvre décrit par un seul geste
notre temps suspendu dans un perpétuel post-… post-humain, post-capitaliste, post-industriel, post-moderne … tant de suspension entre un temps qui n’est déjà plus et un temps qui n’est pas encore. L’invitation au recueillement devient une invitation à la réflexion, un demi-soupir qui marque une hésitation nécessaire avant de poursuivre dans la
lecture ou dans l’écriture de la partition de notre temps et de nos vies.
CLAUDIO COLUCCI [Suisse]
FLUCK – 2022
Une sculpture en fer battu doré représentant le symbole musical d’un demi-soupir est accrochée au portail à l’entrée du cimetière des Rois.
Le concept de pause en musique correspond au silence, l’absence de son sans laquelle la musique ne serait pas intelligible. L’œuvre est placée à l’entrée du cimetière sur les barreaux du portail à la façon d’une portée musicale verticale. Telle une partition pointant vers le ciel, le demi-soupir nous invite à assumer une autre posture perceptuelle en marquant par un simple signe le passage à un espace de recueillement. parallèlement, l’oeuvre décrit par un seul geste
notre temps suspendu dans un perpétuel post-… post-humain, post-capitaliste, post-industriel, post-moderne … tant de suspension entre un temps qui n’est déjà plus et un temps qui n’est pas encore. L’invitation au recueillement devient une invitation à la réflexion, un demi-soupir qui marque une hésitation nécessaire avant de poursuivre dans la
lecture ou dans l’écriture de la partition de notre temps et de nos vies.
PHILIPPE CRAMER [Suisse]
AETERNUS ETERNUS – 2022
Un banc en pierre est placé au bord du chemin qui traverse le Cimetière. Sa surface présente une torsion de 180 degrés sur son axe horizontal.
L’œuvre crée de l’ambiguïté quant à la perspective que l’on peut prendre vis à vis de la mort et nous invite à une expérience
vertigineuse du paysage du cimetière. Des catégories comme haut/bas, en deçà/au-delà, animé/inanimé, subissent une torsion qui rappelle le ruban de möbius, dont la surface marque une indécidabilité entre un dedans et un dehors. dans cette époque de renégociation du rapport au concept même de mort, nous sommes obligés de remettre en question notre propre regard, notre propre point de vue. Assis sur ce banc, nous incarnons tantôt les vivants qui contemplent le cimetière en le considérant comme la demeure des défunts enterrés, tantôt nous nous percevons comme appartenant à ce règne d’en bas, projetés momentanément dans le monde des vivants pour en témoigner, pour respirer un coup d’air frais voire manger un sandwich et contempler en silence.
VINCENT DU BOIS & FRÉDÉRIC BEIGBEDER [Suisse] – [France]
MDR – 2022
Une stèle en marbre blanc de Carrare représentant l’émoji MDR (mort de rire) est placée dans le cimetière comme étant la tombe de ce même symbole.
Décapiter l’univers contenu dans les smartphones de l’un de ses visages les plus grotesques, dont l’expression toujours ostensiblement euphorique peut être interprétée comme le symptôme d’une constante aliénation et obéissance aux impératifs omnipervasifs de jouissance de notre époque. Tels deux terroristes anarchistes, l’écrivain Frédéric Beigbeder et le sculpteur Vincent Du Bois organisent ici l’assassinat d’un emoji. Par un geste tout à fait adéquat au visage perpétuellement hébété de leur victime, les deux conspirateurs arrachent au virtuel ce sigle reproduit à l’infini, qui vit et prolifère de manière apparemment inoffensive dans l’espace incorporel du monde numérique, pour le rendre au réel. Ils le font avec toute la concrétion du geste sépulcral et avec tout le poids et la densité du marbre dans lequel ce symbole s’incarne et se fige en un objet unique.
FOOFWA D’IMOBILITÉ [Suisse]
PAS DE CÔTÉ – 2022
Un rectangle de tapis de danse noir est installé à 15 cm en dessous du niveau de la terre, juste à côté de la tombe de la mère de l’artiste.
https://www.foofwa.com/production/pas-de-cote/
Le danseur-chorégraphe Foofwa d’imobilité vit un moment de transition dans sa vie qui détermine la dissolution prochaine de sa compagnie. L’artiste, dont la mère beatriz Consuelo, elle-même danseuse étoile, morte il y a dix ans et inhumée au cimetière des Rois depuis cette année, choisit de l’accompagner en s’installant symboliquement à ses côtés pour la durée de l’exposition.
C’est à partir de ces deux éléments biographiques et des échanges eus avec vincent du bois et Luca depietri, que Foofwa approche le thème plus large de l’exposition. Il le fait en installant un espace de travail vide, une page blanche, un potentiel à venir. En décidant de suspendre cet espace dans cette même neutralité et de l’exposer tel quel sans l’investir d’un contenu ou d’une signification particulière, Foofwa instaure une atmosphère d’attente et de spéculation. Cet espace devient alors la métonymie d’un espace métaphysique pur, le lieu d’une spéculation indéfinie, le scandale provocateur d’une pure absence. C’est par un pas de côté suspensif que Foofwa prend de la distance par rapport à cet espace de la négativité féconde, de la non- action, du non-être, en en faisant l’objet d’une contemplation aussi résignée qu’apaisée.
MICHEL GILLABERT [Suisse]
BOIS MORT – 2022
Deux tombes en marbre de Carrare, posées à même le sol, l’une à côté de l’autre, sont sculptées jusqu’au moindre détail et représentent fidèlement des bouts de bois en putréfaction
L’apparente distance du regard physicaliste, scientifique et objectif sur le phénomène de la mort permet une approche analytique, minutieuse, capable de sectionner les parties de son objet d’étude jusqu’au microscopique. Par sa technique sculpturale minutieuse, portant sur le détail et la subtilité, Gillabert mime la volonté de restituer au regard la complexité infinie de la nature et du corps. Ce faisant, il nous invite à contempler la mort comme étant un phénomène métabolique toujours en acte, comme étant un pur processus de transformation sans fin. Ce regard, qui prend de la distance en même temps qu’il s’approche de son objet, prône le dépassement d’un certain humanisme ou anthropocentrisme, replace l’homme dans un endroit plus ou moins anonyme de l’histoire, et féconde notre temps d’une humilité à la fois silencieuse et rafraîchissante.
EDUARDO KAC [Brésil]
LAGOOGLEGLYPH #5 – 2022
Une mosaïque de 6 x 15 mètres composée de dalettes colorées représentant un lapin stylisé est installée au sol. Cette image est celle de Alba, un lapin transgénique que Eduardo Kac avait produit en tant qu’œuvre d’art transgénique en février de l’année 2000. Elle n’est visible que du haut et peut être vue par les visiteurs depuis Google Earth. L’œuvre fait partie d’une série de LAGOOGLEGLYPHS, qui sont actuellement présentés à la Biennale de Venise.
L’introduction d’un mémorial dédié à Alba, le petit lapin transgénique devenu mème, ayant fait la une des journaux en rentrant ainsi de droit dans l’histoire de l’art, s’insère en continuité avec la tradition du cimetière des Rois d’accueillir les personnes pour leur mérites extraordinaires indépendamment de leur statut. L’œuvre est faite pour être vue depuis les satellites de Google, mimant ainsi un geste de communication extraterrestre. Les éléments tels que le transgénisme, le
biopouvoir voire la techno-théocratie liés au monitorage cybernétique par le haut ainsi que le fantasme d’une rencontre avec un Autre sont réinvestis de manière ambiguë dans cette installation. Les grandes idées finissent par se mordre la queue entre elles pour enfin laisser la place à un geste très simple : Celui de rendre hommage au destin extraordinaire d’un petit lapin, invité à reposer parmi les Rois.
VANNA KARAMAOUNAS [Suisse]
JE N’ESPÈRE RIEN,
JE NE CRAINS RIEN,
JE SUIS LIBRE #5 – 2022
Au bout d’un chemin dans le cimetière, une photographie d’un lit improvisé où l’on reconnaît l’absence de quelqu’un ayant à peine dormi, est suspendue au vent. Le marbre gravé est ancré dans le sol avec le message d’espoir de l’écrivain grec Nikos Kazantzakis.
Dans une époque de course folle aux ressources au profit de la production et de la consommation, l’être humain est devenu l’archi-ressource. Tantôt agent de la production, tantôt cible de la machine consumériste, l’individu contemporain est constamment soumis à l’impératif d’avoir une place dans le système. L’image de la marginalité, de la souffrance et de l’abandon équivaut à celle du déchet, du produit résiduel inévitable de notre temps. Loin des pathétismes et de la spectacularisation de la douleur, le regard photographique de vanna Karamaounas cherche à documenter ces formes de vie vulnérables et exposées aux dérives déshumanisantes de la société humaine pour témoigner d’une force, d’une liberté et d’une souveraineté qui s’opposent au processus d’extraction de valeur que le système opère sur la vie. Et c’est peut-être dans ces formes de vie qui vivent et survivent malgré tout que notre espèce trouvera les ressources existentielles pour s’adapter aux changements qui l’attendent.
MAURO LOSA [Suisse]
ULTIMA NECAT – 2022
Une vidéo, d’à peu près 3 min. est installée au cimetière des Rois.
La vidéo-installation de mauro Losa traite de la quête biotechnologique de l’immortalité. dans sa narration, la découverte
d’un procédé permettant l’arrêt indéfini du processus de vieillissement présuppose paradoxalement de devoir maintenir le fœtus au stade prénatal dans un environnement stérilisé.
Losa impose au spectateur une certaine prise de distance ironique en soulignant les dérives paradoxales de l’attitude médicaliste, qui voit dans la mort un problème à résoudre, et cela même au prix de passer par des conquêtes intermédiaires manifestement absurdes. À quoi bon ne pas mourir si le prix à payer est celui de ne jamais naître ? Quel est exactement l’exploit de la science ici ?
Loin de s’affilier à une critique réactionnaire, Losa pointe le doigt sur une sorte d’héroïsme narcissique à la don quichotte. Le « It’s alive ! » la conquête frankensteinienne perd tristement d’enthousiasme.
It’s a-live ! C’est désormais une non-vie celle dont on se réjouit … pourvu qu’elle soit immortelle.
THE MONTESINOS FOUNDATION [Suisse]
+12 guests
VIRTUAL FANTAISIES – 2022
Une série d’animations féeriques sont programmées dans une application mobile de réalité augmentée. L’accès à cette dimension parallèle ne sera visible qu’à travers l’application à installer sur les smartphones, le sésame permettant de se connecter à cette réalité augmentée. De ce fait, une grande majorité des visiteurs du cimetière frôlera ces interventions invisibles à l’œil nu, sans même s’en apercevoir.
L’œuvre fait usage des technologies de la simulation et de la réalité augmentée, telles des possibilités magiques. Elle les désigne comme étant les nouvelles héritières des “technologies du sacré” au travers desquelles l’être humain, depuis la nuit des temps, tente de scruter au-delà de cette membrane d’insondable opacité qu’est la mort.
Derrière son implacable nécessité s’ouvre alors la possibilité d’inventer des mondes, derrière la certitude de l’impermanence et de l’impossible se manifeste l’espoir de l’infini et du fantasque. La mort est ici renégociée dans des termes fondamentaux. Elle est considérée comme concept liminal entre réalité et fiction, entre être et non-être et donc comme zone de distinction ontologique. Les possibilités de fusion de ces deux mondes sur un plan phénoménologique et esthétique sont rendues possibles par la réalité augmentée, qui tend à octroyer à la supposée fiction le même degré d’existence qu’à la supposée réalité. Cette limite ou frontière pour ainsi dire « dure » se réduit alors jusqu’à devenir une membrane translucide, une zone de franchissement et d’échange, un médium, une interface, un écran de smartphone.
CHRIS MURNER [Suisse]
ANIMAL MEMORIAL – 2022
Un enclos en bois encercle des fourrures provenant de différents animaux normalement utilisés dans l’industrie de la mode.
Chris murner travaille depuis des dizaines d’années dans l’artisanat du cuir et est sensibilisée par la sur-commercialisation des peaux exotiques et des élevages à fourrures. Le rapport à la vie et aux autres espèces qui partagent la planète avec nous est ici représenté à travers une installation aux multiples lectures. Tantôt catalogue d’échantillons grandeur nature de l’élevage en cage qui rappelle l’usage commercial d’une pure matière, tantôt display taxonomique qui renvoie à la neutralité d’un musée d’histoire naturelle, tantôt tout simplement une tombe voire une fosse commune qui devient un mémorial de l’absurde sacrifice des animaux sur l’autel de la mode. Par la pluralité des possibles interprétations de l’installation l’artiste admet, et en même temps souligne, l’ambiguïté encore irrésolue du rapport problématique que l’être humain entretient avec les autres formes de vie qui habitent notre monde. Le rapport à la mort est ici associé à celui de la reconnaissance de la dignité de l’autre et à son inclusion dans – ou exclusion – de notre horizon juridique, moral et bioéthique.
OLAFUR ELIASSON [Suisse]
PARABOLIC LIGHT – 2012
L’œuvre est installée à la galerie Cramer+Cramer, à deux pas du cimetière des Rois, à la rue de la muse 8, 1205 Genève
L’art d’Olafur Eliasson frappe non seulement par sa précision conceptuelle mais aussi par sa capacité à manipuler esthétiquement la perspective de l’observateur jusqu’à provoquer un certain vertige. Dans son œuvre parabolic light, les thématiques proposées par Open end 2 se retrouvent jusqu’à coïncider parfaitement. Le thème de la vanité humaine face à la mort, évoquée par l’utilisation de la bougie, devient le point de convergence, la clé de voûte pour penser ensemble les problématiques de la finitude des ressources et de l’immortalité ou amortalité dont il est question. Ces deux thèmes semblent ici être mis en opposition et en même temps liés de manière inextricable, devenant l’un le reflet de l’autre. Ainsi, c’est la finitude, l’impuissance de l’Homme face à la mort qui engendre l’obsession pour l’immortalité. De même, c’est ce même désir de s’émanciper du destin mondain qui motive et fonde la construction d’un sujet abstrait, séparé. Dans un jeu de miroir vertigineux, l’œuvre nous rend attentif au fait qu’une telle séparation n’est qu’un trompe l’œil, et que nous ne faisons qu’un avec le corps et avec le monde que nous habitons.
SANDRINE PELLETIER [Suisse]
BURNOUT – 2022
Une stèle est posée dans le cimetière. Derrière elle, une trace de déplacement creuse une trajectoire, comme si la tombe venait d’atterrir ou qu’elle s’était déplacée d’elle-même dans la tentative de s’en aller.
Burnout puise son inspiration de deux sources apparemment sans lien. D’une part, les sailing stones de la death-valley, des pierres de moyenne-grosse taille qui semblent inexplicablement se déplacer toute seules dans le désert et, de l’autre, de la pratique des burnouts, consistant à consommer les pneumatiques des voitures dans des boucles sur place en laissant des traces sur l’asphalte. En partant de ces deux images, Sandrine Pelletier reproduit dans le cimetière un phénomène semblable. La trace devant la stèle sans inscription devient l’indice d’un déplacement, d’une trajectoire qui appelle à l’élaboration d’hypothèses quant aux causes, aux moteurs et aux accidents qui sont responsables de son parcours. d’où vient cette stèle ? Pourquoi est-elle là ? Tout comme les traces des pierres dans le désert, ou les marques de pneumatiques sur le goudron, nos trajectoires existentielles appellent à une réflexion spéculative sur les forces mystérieuses qui nous poussent, nous gouvernent, nous consomment. Ce sillon creusé dans le sol n’est-il pas tout simplement la trace de la vie ?
XAVIER SPRUNGLI [Suisse]
RESPIRATIONS 2 – 2022
SPIRITU DIVINO ?
Deuxième volet de la série, «RESPIRATIONS» est un porte-cierges présentant une multitude de lumignons, installé près de la chapelle du cimetière. Les LED sont programmées pour simuler le tremblement des flammes suite à des coups de vent, et pour changer de configuration en composant, les unes après les autres, des mots, des phrases, des maximes liées à la mort.
Les formes et les rituels que les êtres humains ont développés pour faire face au mystère de la mort sont multiples. dans la tradition chrétienne, on a l’habitude d’allumer un cierge pour les défunts et de leur dédier une prière. La flamme devient ainsi le point de rencontre entre le monde des esprits et celui des vivants. En allumant un cierge, les vivants manifestent la persistance des défunts dans leur mémoire et leur donnent une place dans le monde. En échange, ils cultivent souvent l’espoir de pouvoir les rejoindre voire même de pouvoir communiquer avec eux. Par une utilisation subtile de la technologie, Xavier Sprungli offre aux âmes des défunts un dispositif qui leur permet de répondre aux appels, aux sollicitations, et aux prières des vivants. pour le faire, elles doivent s’articuler collectivement, se manifester comme un seul esprit. une telle dimension chorale de l’existence des âmes devient donc la marque d’une humilité et d’une sagesse reprise et soulignée par le choix des textes, qui composent, par l’écriture, des pensées aussi simples qu’abyssales.
FILIPPO TINCOLINI [Italie]
PETROLIO – 2022
Une série de blocs en marbre de Carrare sculptés en bidons industriels grandeur nature est posée sur le gazon. La végétation autour est délaissée comme si ceux-ci avaient été abandonnés il y a longtemps.
Fossile idéologique d’un temps qui fut, memento mori d’un Zeitgeist qui se doit de penser sa propre fin, la proposition à l’arrière-goût post-apocalyptique de Tincolini dans le contexte du cimetière des Rois peut être considérée comme étant la tombe monumentale de l’époque turbo-capitaliste, consumériste et énergivore, dans laquelle nous vivons. Tantôt barils de pétrole contenant la noirceur profonde de la matière première qui alimente notre civilisation, tantôt bidons de déchets représentant le cloaque laissé en héritage aux générations futures : les bidons, blancs et immaculés, en marbre de Carrare de Tincolini deviennent un puissant symbole de notre hypocrisie et de notre fausse innocence. en rendant une fois pour toute l’ultime hommage funéraire à notre mauvaise foi, l’artiste souligne la nécessité de penser un monde au-delà de notre style de vie et de notre temps.
ERIC VAN HOVE [Belgique]
ZAOUÏA 504 – 2022
La mythique Peugeot 504 break, modifiée pour y installer une Zaouïa (cénotaphe/architecture liée au Maghreb) inspirée des Reikyüsha japonais mais réalisée en style maghrébin par des artisans marocains.
L’œuvre, réalisée au Maroc, a été transportée jusqu’à Genève. Durant ce parcours elle est devenue le réceptacle d’objets liés à la mort de différentes personnes ou groupes de personnes
L’œuvre est, sur le plan matériel et formel, un manifeste bauhaus post-capitaliste qui s’oppose aux aspects les plus aplatissants de la globalisation en termes d’aliénation et de standardisation des savoir-faire et des esthétiques. Elle représente un geste de résistance à l’oubli et à la perte d’une technodiversité que les histoires et les cultures humaines, éparpillées dans les quatre coins du monde, ont su générer dans les millénaires.
Sur le plan culturel, l’œuvre affronte la thématique de l’hommage et du rituel comme actes de mémoire, de présentation, voir d’ostentation de l’irreprésentable. Celui-ci s’incarne ici dans un objet-réceptacle dont le coeur occulté, le secret maintenu, est le fruit unique de son voyage singulier. La négociation avec la mort se fait à partir de situations performatives concrètes et marque les corps, dans ce cas l’oeuvre d’art, d’une force sacrale, capable d’entretenir un lien avec l’indicible, avec la douleur, et d’offrir un espace où le deuil, la catharsis sont – encore ou de nouveau – possibles.